Avant d’occuper le poste de Président du Conseil de Surveillance de CPoR, Henri DUFER a notamment dirigé le Crédit Agricole Centre Est. Expert du secteur bancaire, il a assisté à l’émergence des nouveaux moyens de paiement et participé à leur diffusion. Henri DUFER a accepté de partager avec nous un point de vue original et éclairant sur le rôle des espèces à l’ère du Bitcoin.
"Accepter la multiplicité des moyens de paiements et réconcilier la population et les élus avec le paiement en espèces discrédité pour de mauvaises raisons. La société a tout à gagner à préserver ce moyen de paiement pratique et simple qui est aussi synonyme de liberté, de discrétion et de confiance."

Quelle est votre vision des moyens de paiement ?
HD : Nous vivons un moment de confusion. La pression exercée principalement par les pays d’Europe du Nord, pour réduire la part des espèces dans les paiements est très forte, souvent pour des raisons fiscales. Or, paradoxalement, nous sommes à un moment où les transactions frauduleuses sont principalement dominées par de nouvelles monnaies électroniques quasiment intraçables par les autorités monétaires.
En quoi les moyens de paiement sont-ils révélateurs de la société contemporaine ?
HD : Sur un plan plus sociétal, j’observe avec intérêt les contradictions dont font preuve nos concitoyens qui sont très vigilants et même franchement inquiets quant à la protection de leurs données personnelles, mais qui ne s’en soucient guère lorsqu’il s’agit d’utiliser le paiement par carte bancaire. Nous l’observons avec le débat soulevé par la mise à disposition, par l’État, de l’application Stop Covid qui provoque un tollé chez les défenseurs des libertés individuelles. Les mêmes associations ne semblent pas s’émouvoir de l’exploitation potentielle de nos données de cartes bancaires par des opérateurs privés.
En réalité, et c’est un banquier qui vous parle, les transactions électroniques sont sans doute
l’un des moyens de traçabilité contemporains les plus intrusifs. Il serait commode de retracer le parcours de vie de n’importe quel porteur de carte tant son compte bancaire reflète son mode de vie, bafouant tous les principes de protection des données personnelles. Pourtant personne ne semble jamais s’en plaindre.
Pensez-vous qu’il soit important de préserver le choix des moyens de paiement ?
HD : Nous sommes très dépendants des paiements électroniques aujourd’hui. Or ces systèmes, s’ils sont très pratiques, sont loin d’être à l’abri de fraudes ou de ruptures de service. Le paiement cash constitue un élément de sécurité important. Il permet aussi de conserver le choix et plusieurs alternatives en cas de dysfonctionnement. Le paiement en espèces est aussi garant de notre liberté car il préserve notre anonymat. Il n’est pas moins sûr que le paiement électronique dont le risque de fraude est sans doute plus élevé que lorsque des faussaires fabriquent des billets dans un garage.
Quel conseil pour l’avenir des moyens de paiement ?
Accepter la multiplicité des moyens de paiements et réconcilier la population et les élus avec le paiement en espèces discrédité pour de mauvaises raisons. La société a tout à gagner à préserver ce moyen de paiement pratique et simple qui est aussi synonyme de liberté, de discrétion et de confiance.